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Le Château de Pierre-Percée

Article de Jeanne-Marie Saint-Ramond
Guide conférencière interprète

Texte mis à jour en juin 2013

Source : Fonds lorrain BmN (Nancy)


A la découverte d'un patrimoine historique et naturel exceptionnel

Après une balade autour du grand lac, il est très agréable de venir s'asseoir à la terrasse d'un des cafés du village. A portée du regard trône une vieille tour à l'extrême bord d'une superbe falaise. Sa présence rappelle qu'autrefois, sentinelle efficace, elle se trouvait aux avant-postes d'un puissant château, épousant les 120 mètres de longueur de la roche. Ses remparts descendaient jusqu'au village. Bien que difficilement visibles aujourd'hui, on peut en faire le tour au cours d'une agréable promenade.

En suivant le sentier, un peu raide, qui mène au château à partir du village, il faut s'imaginer la présence du troupeau communal et le bruit assourdissant des sabots. Il gravissait jadis la pente, impatient de retrouver ses pâturages. Cette pratique ancestrale sur les prairies d'altitude remonte à l'époque des Celtes, venus coloniser, au II°siècle avant notre ère, les sommets de la région, riche en fer et en pierre de grès. Le chemin débouche sur un terrain très plat, en rupture avec la ligne de crête des « Roches de Marie Fontaine ». Il ne s'agit probablement pas d'une faille naturelle mais d'une carrière ayant servi à la construction du château, puis de fossé et aujourd'hui d'aire de stationnement, ce qui apparaît un peu moins poétique.

A gauche, une pente douce accédant à l'escalier de la plate-forme permet d'observer tout à loisir cette roche massive, vieille d'environ 250 millions d'années, où les couches de sable superposées, parsemées des galets que les eaux des mers et de puissantes rivières ont roulés jusqu'à leur donner cette belle forme arrondie que l'on trouve sur les plages. Le flux et le reflux de l'eau ont dessiné des rides, «  les ripple marks », aujourd'hui figées dans la pierre.

Ce roc, épargné par l'érosion, a servi d'assise à une forteresse dont l'élément essentiel était le donjon, bâti tout au bord de la crête, celui-là même que nous contemplons. Il assurait à ses seigneurs une perspective telle qu'ils pouvaient embrasser du regard toutes les montagnes et vallées environnantes. C'est au XI°siècle que des grands personnages, descendant des comtes d'Alsace et ancêtres des ducs de Lorraine, vinrent s'installer dans cette région, notamment au château de Turquestein, tout près d'ici, ayant pour mission, l'ordre de protéger l'abbaye de Senones qui dépendait de l'évêché de Metz. On les nommait voués.

Le souvenir d'une comtesse attachante, Agnès de Langenstein, perdure dans la mémoire des habitants. A la fois proche des comtes d'Alsace par son mari Godefroy de Langenstein et des comtes de Bar par sa propre famille, elle possédait de nombreux territoires dans notre région. Le château fut élevé sur ses terres. Le nom de Pierre Percée remplaça celui de Langenstein lorsqu'un puits profond fut percé au bas de la falaise.

Les malheurs qui s'abattirent sur elle sont encore relatés, neuf siècles plus tard. Il est parfois difficile de détacher les faits de la légende.

Elle perdit son premier mari, Godefroy, et un fils, Guillaume, qui auraient été enterrés dans l'église de Raon-les-Leau, village situé au pied du Donon. Elle se remaria vers 1110 avec un comte de Salm, Hermann II, devenu à son tour voué de l'abbaye de Senones. C'était un seigneur très puissant, originaire des Ardennes et du Luxembourg. Il entra en conflit ouvert avec l'évêque de Metz, dont il dépendait. Ce dernier s'appelait Etienne de Bar et n'était autre que le propre frère d'Agnès. Les conséquences furent désastreuses. Il décida de mettre fin aux exactions de son beau-frère en assiégeant tout simplement le château. Cet homme ne laissait personne diriger les opérations à sa place. Un an fut nécessaire pour venir à bout de la résistance des occupants du château. Cette forteresse était imprenable, il fallut imaginer une autre stratégie que l'attaque directe. Encercler pour empêcher les habitants de sortir des remparts fut la solution adoptée. Il nous reste encore, visibles ou enfouies dans le sol, des ruines de forts érigés à cette fin. Ils formaient un triangle autour du château à une distance approximative de deux /trois kilomètres. Sans vouloir entrer dans trop de détails, il est certain que cette forteresse constituait un des points hautement stratégiques car il est dit que les troupes du duc de Lorraine prêtaient main forte au comte de Salm Hermann dans l'enceinte même du château. La longueur du siège face à une résistance inattendue montre bien à quel point l'évêque de Metz était déterminé. Vraisemblablement sentait-il son pouvoir menacé! Le château fut finalement pris et le comte perdit la vie.

Il faut emprunter les escaliers pour jouir d'une vue exceptionnelle sur le lac. Malheureusement, il ne reste que quelques pierres disséminées ça et là, attestant la présence d'un château fort. Ce n'est pas l'assaut final du château en 1136 qui le mit dans cet état. Il connut encore de beaux jours quand il fit partie du comté de Salm, comté établi par les descendants d'Hermann. Mais il servait davantage de place forte que de lieu d'habitation. Malgré tout, il fut continuellement entretenu mais non transformé. C'est une caractéristique de ces châteaux défensifs des Vosges, construits de la fin du X° au début du XIII° siècle. Ils ont pratiquement la même configuration. Les travaux de restauration de la tour et des autres bâtiments de la forteresse furent très nombreux, car les lieux souffraient beaucoup de l'humidité ; les planchers, les portes, les serrures, les murs et les toitures devaient constamment être refaits. Mais on reconstruisait toujours à l'identique. Un seul  aménagement fut accordé à la modernité au XVI° siècle : l'installation d'une canonnière dans le mur du pont levis.

 Deux ans avant la mise à feu et à sang de la Lorraine par des troupes suédoises sous l'ordre de Richelieu, le château avait encore fait peau neuve. C'est un château restauré et non ruiné qui fut totalement démantelé en 1635/1636. Toutes les forteresses des Vosges connurent le même sort. Pendant la Révolution Française, à la fin du XVIII° siècle, les habitants eurent le droit de prélever les pierres pour construire leur maison.

En descendant de la plate-forme, il faut revenir sur ses pas et suivre la route en direction du village. Ainsi longe-t-on le dernier rempart qui devait se dresser à cet endroit autrefois. L'oeil exercé entrevoit sur la pente, entre les beaux sapins, hêtres et pins, des creux et des bosses. Ce sont les anciennes douves, traces ineffaçables, et combien protectrices lors des combats de 1914-1918. 

Au moment où la route accuse une forte courbe et redescend vers le  village, l'histoire de ce conflit devient soudain réalité. Un bas-relief de toute beauté, sculpté à même la roche, ravive les souvenirs d'un régiment d'infanterie, le 363°, composé de réservistes de Provence. En 1916, le soldat Antoine Sartorio, sculpteur de profession et qui jouissait déjà d'une certaine notoriété, offrit à la postérité un tableau des combats qu'il livrait lui-même, jour après jour, hiver comme été, avec ses compagnons de fortune ou d'infortune. La fierté, la détermination se lisent sur les visages de ces hommes. Une divinité grecque ailée, allégorie de la victoire, les accompagne. Mais n'ont-ils pas peur? Il suffit de regarder l'attitude du cheval, cabré, les yeux exorbités, pour comprendre qu'il n'en est rien.

La descente vers le village est agréable et facile et on ne peut s'empêcher d'admirer une dernière fois falaise et donjon, qui, à cet endroit, apparaissent dans leur majesté.

A Pierre-Percée, le château et le bas-relief d'Antoine Sartorio ont tous les deux été classés Monuments Historiques.

L'accès au château est interdit pour cause de travaux, mais il est possible de demander une visite commentée gratuite du bas-relief d'Antoine Sartorio en juillet et août, sur réservation au 07-87-05-28-13 ou par courriel à l'adresse jmstr@sfr.fr 
Informations pratiquesBlason Pierre-Percée
Adresse
Mairie de Pierre-Percée8 Place de la Mairie54540 Pierre-Percée
Téléphone
03 83 42 10 18
Horaires d'ouverture
Lundi 10h00 à 12h00
Mercredi 10h00 à 12h00
Vendredi 10h00 à 12h00 et 16h00 à 18h00
 
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