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Histoire de notre village

Article de Jeanne-Marie Saint-Ramond, Guide Conférencière Interprète
le 31 août 2017


PIERRE PERCEE, le village.
 

C'est un village de montagne qui s'est construit au pied d'un château. Son nom a pour origine la construction d'un puits au pied du donjon au XII° siècle. Les habitants recherchaient la protection. Ils pouvaient ainsi faire face à toute menace, guerres, invasions… en trouvant refuge derrière les remparts de la forteresse qui descendaient jusqu'au village.
Seulement cette dépendance avait un prix ; ils appartenaient corps et biens au châtelain ; leur maison, leur bétail, leurs champs et eux-mêmes étaient la propriété du Seigneur.
Les seigneurs qui se succédèrent, furent d'abord les comtes de Langenstein, puis de Pierre Percée et enfin de Salm. A une certaine époque, il y eut deux comtes de Salm qui régnaient sur la totalité du comté de Salm ; chacun se partageait la moitié des biens, des hommes et du château.

La vie et les traditions villageoises se poursuivirent relativement paisiblement jusqu'à la catastrophe de la Guerre de Trente ans. Le comté de Salm fut frappé de plein fouet avec l'arrivée de troupes étrangères sur son sol. Allié à la Lorraine et à l'Autriche, pays catholiques, il fut envahi par les troupes suédoises protestantes qui combattaient auprès de la France. Une guerre de religion avait éclaté en Europe.
Elle commença dans notre région vers 1633, on sentait les dangers arriver ; on se préparait à une invasion, on réparait le château, on s'assurait de la solidité de ses remparts et on installa près du pont-levis une canonnière. Déjà des soldats, des mercenaires et autres profiteurs s'infiltraient dans les villages et les pillaient ; ainsi, on volait les boeufs, qui ne servaient pas qu'aux labourages, mais qui étaient indispensables au transport du bois pour les scieries. Le travail dans les champs et les scieries s'arrêta et les villages commencèrent à se vider.
Quand les troupes, qu'elles soient ennemies ou alliées, déferlèrent dans la vallée, les habitants qui vivaient encore dans les villages partirent dans les bois s'ils le pouvaient. On a souvent écrit qu'il ne restait plus personne après le passage des troupes, mais c'est souvent omettre que la population connaissait parfaitement le moyen de survivre en forêt ; au XVII° siècle, les forêts dans les Vosges étaient encore très abondantes et giboyeuses. Il est étonnant de voir apparaître des années plus tard les mêmes noms que portaient les habitants d'un même village : les Demenge, Mengin, Ferry, Colin etc…
Evidemment, le château subit le même sort que le village ; il fut détruit et incendié. Deux ans plus tôt, sa restauration avait été complètement achevée. Deux hypothèses, quant aux auteurs du désastre, sont émises. D'un côté, il se serait agi des troupes suédoises et d'un autre côté, il paraîtrait, d'après un témoin de l'époque, que les troupes du général Gallas, troupes impériales alliées (Autriche), se seraient vengées de ne plus rien trouver sur leur passage. Dans le pire des cas, on pourrait attribuer aux deux la destruction du village et du château.

La guerre de Trente ans désorganisa totalement la vie des villages, qui, pour certains, furent abandonnés. La forêt s'étendit partout car elle n'était plus exploitée et recouvrit même les sommets, qui, d'habitude, étaient destinés aux pâturages.
Quand la paix revint, il y avait de la place et il fallut même encourager l'arrivée d'autres populations, venant de Suisse, du Tyrol, d'Italie et autres régions de France pour faire repartir l'agriculture.
Ainsi, les villages reconstitués disposaient d'espace important ; les maisons s'entouraient de jardins, elles n'étaient pas accolées les unes aux autres.
Le duc de Lorraine, Léopold (1679-1729), également comte de Salm, prit possession de ses Etats après la guerre et fit immédiatement des réformes. L'abornement des villages, des champs et de la forêt fut une obligation. Son géographe/géomètre établit des cartes très précises ; ce travail représenta des dizaines d'années. Les réformes de ce duc/comte favorisèrent le développement du pays ; de nombreux avantages furent attribués à ceux qui s'installaient dans les campagnes. On pouvait cultiver jusqu'à 600/700 mètres dans les montagnes. Le seigle, la pomme de terre et le chanvre s'adaptaient bien au climat. Mais l'abornement, en particulier, les murets, empêchaient d'empiéter sur la forêt, nécessaire aux usines à feu (verrerie, forges, salines….) et aux usages des habitants (vaine pâture, bois de chauffage et de construction). A ma grande surprise, j'appris, en tant qu'habitante de Pierre Percée, que le mur de pierre, tout recouvert de mousse, séparant naturellement mon terrain boisé du domaine de l'ONF, était classé, car il s'agissait d'un abornement très ancien. Et à Pierre Percée, dans la forêt, il y en a beaucoup. Cette constatation prouve bien que la culture des champs était pratiquée jusqu'à une hauteur importante, mais qu'il ne fallait pas dépasser.
Cette sage politique eut pour conséquence, une augmentation importante de la population.
Toutefois, le village devait rester dans ses limites, du moins dans sa partie haute ; ainsi, sur le côté opposé de l'église, les fermes, aujourd'hui disparues étaient mitoyennes. L'église n'était pas au centre du village mais au bout du village. Les croix délimitaient également champs, jardins, chènevières (culture du chanvre), mais elles servaient aussi aux rogations : c'est-à-dire que, quelques jours avant l'Ascension, on faisait des processions pour espérer avoir de bonnes récoltes. Notre croix en haut du village a peut-être, elle aussi, connu ces manifestations religieuses !
La partie basse du village comprend quelques lieudits ; ils correspondent, en fait, à l'établissement de moulins à eau, dont des scieries, qui se trouvaient toujours loin du village proprement dit, avec un habitat plutôt dispersé.  « La Soye », lieudit de Pierre Percée, signifie « scierie ».

La culture en montagne, même plus tard avec une distribution des terres plus égalitaire à toutes les familles du village, n'était certes pas suffisante pour vivre à cause des aléas du climat ; la neige en hiver, les gelées tardives ne favorisaient pas  les récoltes. La richesse était apportée par la forêt ; c'est pourquoi, les réglementations sévères permirent aux habitants de tirer profit de son exploitation. Il n'était pas rare de trouver dans les bois quantité de gens affairés à élaguer, couper les arbres, transporter les troncs jusqu'aux scieries à l'aide des boeufs. Il y avait aussi les charbonniers, les ramasseurs de fagots (souvent des enfants ou de vieilles femmes). Chaque habitant était à la fois cultivateur et bûcheron.
Les scieries s'implantèrent au bord de ruisseaux rapides, au coeur de la forêt, puis au bord de la rivière Plaine, à 500 mètres de distance chacune. Au total, il y eut bien une centaine de scieries dans cette vallée.

Ainsi, le village s'agrandit au cours des XVIII° et  XIX° siècles jusqu'à atteindre 463 habitants en 1841. L'église fut construite en 1756 et dut être agrandie en 1832. Une école vit le jour en 1833 pour 80 élèves. Elle se situe au nord de l'église avec un toit à quatre pans comme il était d'usage. Je crois que cette école servit aussi de presbytère.

Malheureusement, la guerre de 1870, qui vit une partie de la Lorraine et l'Alsace annexées par la Prusse victorieuse, eut pour conséquence une diminution de la population jusqu'à la fin du siècle dernier. Aujourd'hui, un peu plus d'une centaine d'habitants résident dans le village. L'attractivité du lieu pour les randonneurs et la présence d'un immense lac aux contours sauvages et très boisés a donné un nouveau souffle à cet endroit exceptionnel. Certains reviennent au village, libérés de leurs obligations professionnelles, d'autres s'y installent pour y créer leur activité.


Sources :

  • Husson, Jean-Paul ; Université de Loraine « La Lorraine des Lumières », 2016

  • Essor, revue historique du Pays de Salm, N°134 « La Guerre de Trente Ans » (dans la vallée de la Plaine)

  • BmNancy (fonds lorrain)

  • Archives de M. et Melle, Nancy

Informations pratiquesBlason Pierre-Percée
Adresse
Mairie de Pierre-Percée8 Place de la Mairie54540 Pierre-Percée
Téléphone
03 83 42 10 18
Horaires d'ouverture
Lundi 10h00 à 12h00
Mercredi 10h00 à 12h00
Vendredi 10h00 à 12h00 et 16h00 à 18h00
 
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